jeudi 15 novembre 2012

Conférence-débat : "Quand et comment l'obésité est-elle nocive pour le coeur ?"


Illustration : ici
Le jeudi 25 octobre 2012, en salle de restauration du personnel, était organisée une conférence-débat sur le thème de l’obésité : « quand et comment l’obésité est elle nocive pour le cœur  ?».

Cette intervention s’est déroulée dans le cadre du pôle MCO, à l’initiative du service de cardiologie et animée par le Docteur SAUGERON, cardiologue.

Comme l’a précisé le Docteur BORDES, Chef de pôle, ce type d’initiative renoue avec des pratiques et une dynamique qui existe depuis longtemps au Centre Hospitalier de Digne.
Témoignant d’une volonté de remplir une fonction de prévention et de santé publique, le Docteur SAUGERON a ainsi donner une dimension supplémentaire à la prise en soins des patients de notre hôpital.

Le bilan de cette première communication est très positif : le nombre de participants ainsi que la pluridisciplinarité représentée dans l’assistance et la richesse des débats ont mis en évidence un engouement des acteurs du CH à se retrouver pour échanger et donc une véritable culture d’établissement.

Le débat a naturellement évolué vers une intervention des diététiciennes présentes dans la salle. Des éclaircissements au sujet de la chirurgie bariatrique ont enfin étaient apporté par le Docteur FOUNTI. 
Des documents de prévention des risques cardiovasculaires étaient disponibles à la fin de l’allocution, intéressant particulièrement les étudiants de l’IFSI et de l’IFAS présents.

Les établissements de proximité avec qui nous entretenons des liens étroits, notamment dans la gestion des lits d’aval, invités pour cette première manifestation ont eux aussi répondus présents. Leur enthousiasme à participer à ce genre de manifestation rappelle une fois de plus la place privilégiée de notre hôpital dans le paysage sanitaire du bassin dignois.

Ainsi, si cette première réunion nous a permis de mettre en évidence toutes les bonnes raisons de telles entreprises, toutes les propositions de sujets restent attendues afin de parler et faire connaître les multiples prise en charge et la qualité des soins que nous réalisons.
Madame V. DOL cadre de santé
Pour lire l'intervention du Docteur SAUGERON, cliquer sur "Plus d'infos"

« Sur cette diapositive, vous voyez une corrélation positive entre l’excès de poids et la morbi-mortalité cardiovasculaire.
Cette corrélation positive a été clairement démontrée par l’étude épidémiologique de Framingham. Framingham est une ville des Etats-Unis où la population est suivie, étudiée depuis 1948.

L’Indice de Masse Corporelle (IMC) est un indice employé couramment car il est facile à obtenir mais il a des limites. Il ne tient pas compte de toutes les composantes du poids, en particulier la masse musculaire et la répartition des graisses.

L’IMC définit le surpoids à partir de 25 et l’obésité à partir de 30. Ces chiffres ne sont pas fondés par une norme académique, anthropologique ou esthétique mais par le risque cardiovasculaire. À 40 ans, la courbe augmente encore plus, c’est pourquoi on parle d’obésité massive ou d’obésité morbide. Chez un patient obèse, si nous détectons une ou plusieurs complications cardiovasculaires, nous parlons d’obésité morbide.
Cet indice a ses limites dont la répartition des graisses. C’est pourquoi les compagnies d’assurance ne l’utilisent pas ; elles utilisent l’indice de tour de taille sur le tour de hanche, le RTH.

C’est au niveau abdominal que se situe le danger cardiovasculaire. C’est l’obésité de type androïde. La coupe abdominale par scanner montre la graisse viscérale, la graisse profonde. Le scanner permet de quantifier cette graisse.

Quels sont les mécanismes qui unissent cette graisse abdominale aux risques cardiovasculaires ? Il faut distinguer deux types de graisses : la graisse périphérique et la graisse profonde.

La graisse périphérique a un rôle plastique, d’enveloppe et de protection thermique et mécanique. Cette graisse est peu ou pas mobilisable alors que la graisse profonde l’est.

La graisse profonde est une forme compacte de stockage de l’énergie. À jeun, elle est mobilisée, il se produit une lipolyse, ce qui permet la libération d’acide gras sur le foie, organe capable de faire une néoglycogénèse à partir de substrats qui ne sont pas du glucose.

Or, dans le cas de l’obésité, cette graisse s’hypertrophie et devient hyperactive.
Il s’en suit des décharges importantes et permanentes d’acides gras qui vont surcharger le foie jusqu’à la stéatose hépatique. Les acides vont dans les muscles sous forme de triglycéride, molécule qui contient une glycéride et 3 acides gras. Surchargé en triglycéride, le foie essaye de les épurer, pour cela il utilise la voie métabolique qui s’appelle la voie des lipoprotéines qui conduit au cholestérol LDL, le mauvais cholestérol. Dans le cas d’obésité, le cholestérol LDL est encore plus mauvais car les molécules, plus petites et plus denses, restent longtemps dans la circulation, tout le temps pour infiltrer les parois artérielles.



Cette graisse abdominale devient aussi très active, elle se comporte comme un organe à part entière qui sécrète des substances, comme une glande qui sécrète des hormones :
l'adiponectine, angiotensine 2 et les cytokines. Ces cytokines sont des facteurs d’inflammation chronique. L’inflammation chronique est extrêmement toxique pour la paroi artérielle, car cela la rend très vulnérable. Cela crée une dysfonction endothéliale. Sous le double effet d’une paroi artérielle vulnérable et des molécules LDL qui les infiltrent en masse, se développe une pathologie d’artériosclérose qui finit par obstruer une artère. Au niveau du coeur, c’est un infarctus du myocarde, au niveau du cerveau, c’est un accident vasculaire cérébral.
La prise en charge de patients obèses présente deux types de tableaux cliniques :
Le syndrome métabolique : association d’un excès de graisse abdominale, d’un diabète, d’une hypertension artérielle et des anomalies des lipides, une augmentation des triglycérides, une diminution du bon cholestérol HDL et une augmentation du mauvais. Cette association n’est pas fortuite. Il y a bien un lien étroit entre l’obésité abdominale et l’hyperglycémie, l’hypertension et l’anomalie des lipides. L’existence de ce syndrome métabolique induit un pronostic défavorable sur la probabilité de développer des maladies cardiovasculaires.

L’apnée du sommeil : ce syndrome joue un rôle important dans l’obésité et les maladies cardiovasculaires. Il est fréquent chez l’obèse où la prévalence atteint 50%. Chez les patients présentant ce syndrome, 70% sont obèses. L’apnée du sommeil est dûe à une obstruction du pharynx favorisée par l’obésité, par l’hypotonie musculaire du sommeil, par la position allongée sur le dos, par la prise de somnifère et d’alcool. Lorsque le patient s’endort, cette obstruction provoque des ronflements, si elle est plus importante elle provoque une hypopnée et plus grave encore, une apnée. L’apnée induit une désaturation en oxygène du cerveau, une asphyxie.

Pour lutter contre cet obstacle respiratoire, le corps envoie une décharge d’adrénaline. Ce mécanisme de survie provoque un micro-éveil qui permet la reprise de la respiration. Le patient se rendort, à nouveau il a un collapsus pharyngé, de nouveau une apnée. Ce cycle infernal se répète toute la nuit. Les décharges d’adrénaline agissent comme des coups de butoir sur tout le système cardiovasculaire.
Comme ça se reproduit toutes les nuits, ces patients présentent un important délabrement du système cardio-circulatoire. La plus fréquente et la première des maladies est l’hypertension artérielle, qui est réfractaire aux traitements. Ces patients ont souvent une insuffisance cardiaque, des maladies de type insuffisance coronaire, infarctus et accidents vasculaires cérébraux. C’est pourquoi il est nécessaire de diagnostiquer le syndrome d’apnée du sommeil.

En conclusion, je citerais l’étude Interheart. Réalisée en 2004, elle porte sur 30 000 patients de toutes origines, de tous styles de vie, répartis dans 52 pays et tous les continents ayant souffert une fois d’un infarctus du myocarde. Ils ont été interrogés sur leur mode de vie et leur habitudes alimentaires, et on a mesuré leur taille, leur poids, leur fréquence cardiaque, leur tension artérielle, leur glycémie, leur profil lipidique. L’étude a conclu à 6 facteurs de risques et 3 facteurs protecteurs. Les facteurs de risques sont :

l’hypercholestérolémie, le tabac, le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle, le stress.

Les 3 facteurs protecteurs : l’activité physique régulière, la consommation régulière de fruits et de légumes, la consommation régulière très modérée d’alcool. L’obésité abdominale, qui est en 4ème position des facteurs de risque cardio-vasculaires, passe en 2ème position, devant le tabac, dans certains pays (Europe de l’ouest, Amérique du Nord…).

L’étude conclut :
“Une bonne hygiène de vie permet de réduire effectivement
le risque d’accident cardiaque de 80 à 90 %”.



Docteur J.P SAUGERON
Unité de Cardiologie-Pneumologie