jeudi 28 juin 2012

« Vieillesse et perte d’autonomie psychique »

Compte rendu de la conférence de Naomi Feil
 le 11 juin 2012 à SAINT RAPHAEL

Nomi Feil se présente… Elle commence par demander qui, dans l’assemblée, a déjà assisté à une de ses conférences. Un homme lève la main : à Saint-Cannat, il y a deux ou trois ans. Elle s’exclame « Ah… J’ai bien changé depuis… J’ai deux nouvelles hanches en plastique… Mes seins et mes fesses ne font que descendre… Et mon cerveau est encore un peu plus léger puisque je perds mes neurones… ». Même s’il existe des facteurs de protection contre le vieillissement (le vin rouge, la faculté de ne pas stresser outre mesure, les gênes…), le cerveau vieillit dans tous les cas. Nous perdons des cellules et développons des plaques séniles même sans processus pathologique. Ce qui est pathologique, c’est d’avoir à 50 ans, autant de plaques séniles que si on en avait 90.

En effet, Naomi Feil sait de quoi elle parle. Parce que Naomi Feil, c’est cette vieille dame, là, ci-contre, qui fêtera ses 80 ans cette année.
Elle sait de quoi elle parle aussi parce qu’elle a grandi dans la maison de retraite de Montafiore à Cleveland, USA, où son père était directeur et sa mère responsable du service social.
Après avoir obtenu une maîtrise de psychologie à l'Université de Colombia, Naomi Feil part pour New-York où elle anime des groupes de parole ; elle se produit également comme actrice dans des théâtres de Broadway.
En 1963, elle revient à Cleveland pour travailler auprès des personnes âgées. Elle développe la méthode de validation, car elle trouve peu satisfaisants les résultats qu'elle obtient avec les méthodes traditionnelles d'accompagnement des personnes très âgées qualifiées alors de démentes.


La validation permet de se préparer au grand âge, que l’on soit malade ou non.
"Quand on perd la notion du temps présent et du lieu, quand les règles n’ont plus d’importance, quand les obligations sociales ont perdu tout intérêt, alors c’est l’essence même de l’humain qui s’exprime. Quand leur vue baisse et que le monde extérieur devient flou, les personnes âgées se servent des "yeux de leur esprit" et les gens du passé redeviennent réels. Lorsque leur mémoire des faits récents s’affaiblit et que leur notion du temps se brouille, leur vie se rythme en terme de souvenirs, et non plus en terme de minutes. Si elles perdent l’usage de la parole, des sons et des rythmes la remplacent, et les mouvements appris dans leur jeunesse se substituent aux mots. Pour survivre aux pertes du temps présent, elles restaurent un passé dans lequel elles trouvent davantage de sagesse ou de plaisir".

Naomi propose un petit jeu de rôle avec une personne du public pour nous faire comprendre où est-ce que la validation va s’avérer nécessaire. Naomi se transforme en une très vieille femme, institutionalisée, désorientée, déambulant,  pleurant et gémissant. La personne du public joue une aide soignante. Elle s’approche de Naomi pour tenter de la calmer, l’encercle de ses bras en chuchotant « allez allez ». Mais Naomi s’énerve, la tape et s’en va en continuant de pleurer.
Elle nous explique alors que lorsqu’on chercher à calmer, stopper le trouble du comportement de la personne en faisant diversion, en la leurrant ou en mentant, on fait erreur. La validation c’est justement tout l’inverse de cela.

La validation n’est pas une thérapie en soi. C’est une façon d’être en relation. Inspirée de l’écoute empathique, de la programmation neurolinguistique, des stimulations sensorielles, des outils verbaux et non verbaux, elle se fonde sur la reconnaissance de la valeur de la personne et de ce qu’elle dit, même si cela semble incompréhensible.

Principes de la validation :
-          « Quand les émotions exprimées sont validées, elles perdent de leur intensité alors que les émotions ignorées gagnent en force et peuvent devenir toxiques »
-          « Les souvenirs précoces bien ancrés et émotionnellement chargés subsistent jusqu’à la fin de la vie »
-          « Quand la mémoire à court terme s’altère, la mémoire à long terme ressurgit »

Techniques de validation :
1)       Se centrer : se poser quelques secondes, regarder en soi et se demander ce que nous évoque la personne, être honnête envers soi-même (si c’est de l’agacement qu’elle nous évoque, ok, ça peut arriver)
2)       Calibrer la personne : observer l’expression de son visage, son souffle, sa respiration, sa posture, sa démarche, le son de sa voix, ses mouvements etc. pour pouvoir se mettre au diapason avec elle (c’est à nous d’entrer dans son monde, pas l’inverse)
3)       Reformuler en reprenant l’essentiel : « Vous me dites qu’on vous a volé votre bague ? »
4)       Explorer les faits (Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Jamais pourquoi) : « Qui a fait ça selon vous ? Où l’a-t-il trouvé ? Et quand a-t-il pu le faire ?»
5)       Utiliser le sens préféré de la personne : « Il vous l’a arraché du doigt ! Avez-vous senti qu’il touchait votre main pendant votre sommeil ? »
6)       Questionner l’extrême, utiliser les polarités, imaginer l’opposé : « Est-il venu dans votre chambre tous les soirs jusqu’à parvenir à vous la prendre ? Et s’il ne l’avait pas trouvé, qu’aurait-il fait ? Aurait-il pris autre chose ? »
7)       Explorer le passé par la réminiscence : « Cette bague vous y teniez beaucoup n’est-ce pas ? Etait-ce votre bague de mariage ? Comment était-elle ? »

Pour les personnes qui sont très dégradées, qui n’ont éventuellement plus l’accès à la parole, on observe souvent des mouvements répétitifs tels que oscillations droite-gauche de la main, balancements du corps avant-arrière, percussions sur un accoudoir, un pan de mur etc. Pratiquer la validation dans ces conditions demande des aménagements… Le contact physique, non conseillé dans les autres situations, va ici s’avérer nécessaire pour créer le lien avec ces personnes souvent recluses dans leur intériorité. Et puisque la parole-langage est perdue, on va aller chercher la parole-chant, bien plus archaïque et parfois encore présente…
Pour un extrait vidéo de validation entre Naomi Feil et Gladys Wilson, une très vieille dame institutionalisée, grabataire et mutique, je vous conseille ce lien :
(la vidéo est plus bas, sous le texte)
C’est assez bouleversant mais tellement beau…

Nathalie LABAN
Psychologue à l'équipe mobile de gériatrie du CH DIGNE